Le chant demande beaucoup de travail et de sensibilité comme le montre ce texte de Maria Callas, extrait d'un très bon livre de Pierre-Jean Remy, "Callas, une vie"  dans la collection 10/18.

Une leçon de La Callas

« Une fois confrontée à un rôle, vous vous demandez si vous aimez la musique et si elle a un sens pour vous.[…]  Puis vous commencez à en étudier la musique. A ce stade, vous ne vous laissez pas entraîner dans le monde merveilleux de la création : vous redevenez simplement une élève du conservatoire. Vous apprenez la musique exactement comme elle est écrite. Vous ne prenez aucune liberté[…]. Seul le rythme compte à ce stade : ça, vous devez le respecter. »

« Puis vous revenez aux mots . Que disent-ils ? Si vous deviez parler le texte, comment le diriez vous ? Et vous vous le répétez en vous même, notant les accents, les pauses, les petities tensions qui créent le sens. Ce que vous essayez de faire, c’est de réussir une combinaison parfaite entre les différents accents du discours et de la musique. »

« Naturellement, ce n’est pas quelque chose qui se fait en un jour. ça vient au fil des répétitions, et ça continue à se mettre en place même pendant les représentations. Quelques fois, c’est la technique purement vocale qui vous empêche de faire ce que vous voulez. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas réussir une phrase, mais demain, à votre grand plaisir, vous y arrivez. Puis graduellement, la familiarité que vous avez avec la musique et avec le rôle vous permet de développer les plus petites nuances, qu’au début vous ne pouviez seulement suggérer… »

« Mais c’est après que les vrais difficultés commencent, ou plutôt que la partie réellement passionnante du travail commence… »

« Vous commencez par vous libérer vous même, et vous faites la part de ce qui vous paraît être l’emphase correcte pour chaque phrase. Vous vous mettez d’accord là-dessus avec le chef d’orchestre et les autres chanteurs. Ensemble, vous décidez de la forme musicale de chaque passage et comment le mettre en harmonie avec le tout. C’est comme l’analyse d’un ensemble architectural complexe. »

« Quand vous pensez que vous l’avez trouvé, alors vous devez voir à quoi ça ressemble chanté à pleine voix : voir où vous pouvez vous laisser aller pour quelques phrases et où vous devez, au contraire, vous donner au maximum pour que l’opéra ait son maximum d’impact et de sens »

« Puis le comédien qui est en vous semet à juger à son tour, et vous dîtes ; « une seconde ! si je fais ceci comme ça, exactement comme le compositeur l’a voulu, le public va tout simplement mourir d’ennui ! » Alors vous devez vous mettre à prendre les libertés nécessaires, à assumer un peu le personnage, à ajouter une touche ici ou là »

« Finalement, après tout ça, qui vous a pris deux ou trois semaines, vous avez l’esprit tellement embrouillé et bourré de choses différentes que vous devez simplement vous échapper un jour ou deux. Ainsi vous disparaissez de la circulation. Moi, je reste toute seule chez moi, puisqu’à ce stade là je connais la musique et que je n’ai plus besoin d’un accompagnateur. La musique, je l’ai dans la tête, je peux donc commencer l’opéra et le lire de bout en bout en moi, comme je ferais d’un livre. Et, avec la musique qui joue dans ma tête, j’essaie de parler les mots à voix haute… »